samedi 18 février 2012

The End ...

En 1967, Jim Morrison et ses Doors chantait :


"This is the end

Voici la fin
Beautiful friend
Mon bel ami
This is the end
Voici la fin
My only friend, the end
Mon seul ami, la fin

Of our elaborate plans, the end
De nos plans élaborés, la fin
Of everything that stands, the end
De tout ce qui a un sens, la fin
No safety no surprise, the end
Ni salut ni surprise, la fin
I'll never look into your eyes... again
Je ne te regarderai plus dans les yeux... jamais

Can you picture what will be
Peux-tu peindre ce que nous deviendrons
So limitless and free
Sans limites et sans entraves
Desperately in need... of some... stranger's hand
Désespérément avides... de quelque... ... main étrangère
In a... desperate land
Dans une... . contrée désespérée

Lost in a Roman... wilderness of pain
Perdus dans un désert Romain... . de douleurs égarés
And all the children are insane
Et tous les enfants sont (devenus) fous
All the children are insane
Tous les enfants sont fous
Waiting for the summer rain
Dans l'attente de la pluie d'été


(...)"

Cela traduit plutôt bien l'état d'esprit qui est le nôtre à l'instant précis où nous écrivons ces quelques (dernières) lignes ... Attention ! Pas que nous soyons déprimés ou quoique ce soit ... Mais nous sommes bien évidemment tristes de mettre un terme à ce fabuleux voyage, riche en découvertes, en émotions et en rencontres. Un voyage qui aura sans nul doute à jamais changé notre façon de vivre, de voir les choses, de parcourir notre société. Un voyage qui nous laisse avec quelques réponses, mais surtout une masse de questions !

Nous sommes d'autant plus tristes que l'hiver semble rude par-chez-nous mais nous attendons déjà les premières lueurs de l'été pour repartir vers de nouveaux projets, de nouveaux voyages, de nouveaux horizons ! Peut-être pas aussi loin, cette fois (mais qui sait ?) ...

Bref, en ouvrant cet article sur ce standard des Doors (qui date, déjà, de 45 ans !), nous entamons en effet celui qui sera le dernier article de ce blog (snif...), blog que vous avez été nombreux à suivre. Car en effet, depuis hier, nous voici de retour à La Paz, pour quatre derniers jours de descansada comme on dit ici (= repos), d'achats aussi (!).

Ce sont donc des images plein la tête, et plein notre appareil photo (encore merci à maman et Pierrot !), que nous nous apprêtons à reprendre la direction de nos familles, de nos amis, de vous qui avez été particulièrement nombreux à nous suivre ! Sachez tout de même que, à ce jour, le blog comptabilise 4.227 visites ! C'est apparemment l'article sur le Machu Picchu qui vous a le plus intéressé puisque vous êtes 138 (!) à l'avoir parcouru ... Vous vous êtes connectés parfois d'Espagne, d'Autriche, plus souvent de France et même du Bengladesh pour nous lire ! Il est amusant aussi de constater que certains sont tombés sur notre blog par le hasard des recherches Google (des gens cherchant "laurence bibot" -rappelez-vous la blague sur le flamand mort qui d'ailleurs était une erreur de la part de Romain et qui aurait du dire "un flammand mort, ça ne sent pas bon"- ou "quichuas ivres" !). Eh oui, on sait beaucoup de choses sur vous ! Comme vous en connaissez désormais peut-être plus sur nous ... Et s'il est vrai que notre blog ressemble avant tout à un (formidable !) guide de voyage, nous sommes finalement restés plus discret sur les ressentis, positifs ou négatifs, face aux diverses réalités rencontrées ... Mais qu'à cela ne tienne, nous vous les gardons tout chauds pour notre prochaine rencontre qui sera, cette fois, en chair et en os !

Il nous reste à remercier encore une fois toutes celles et ceux qui sont venus jeter un oeil sur notre grande aventure sud-américaine, particulièrement vous qui avez contribué à faire vivre notre aventure et à nous faire sentir moins loin de nos familles et proches en postant de temps à autres (voir à chaque article ou presque pour certains !) vos commentaires, qui nous ont fait souvent sourire, parfois éclater de rire, toujours plaisir.

Et nous n'allons pas nous quitter sans un dernier petit "cadeau" de notre part envers vous. Après vous avoir mitraillé de photos (et encore, on en a pris plus de 3.000 qui ne demandent qu'à être vues !), bombardé de détails historiques, culinaires ou encore géologiques, voici une dernière image, une carte (merci Google Map), reprenant l'ensemble des lieux que nous avons visité, où nous avons vécu ces quatre derniers mois. On ne vous y a pas mis les lieux de transit où nous n'avons fait que changer de bus (ex. : Lima) et il n'a pas été facile de retrouver tous les endroits où nous sommes passés, mais l'essentiel y est.

De quoi patienter donc avant de se revoir très vite en Belgique ou ailleurs, avant aussi et peut-être l'un ou l'autre article de récapitulatif, sorte de best of ou de bétisier, que nous pourrions rédiger à notre retour (si la foule le réclame en masse, bien sûr !) :






Enfin, nous souhaitons également remercier chaleureusement celles et ceux qui ont fait un petit (parfois pas si petit que ça !) bout de chemin avec nous, et qui ont créé et partagé d'incroyables souvenirs et aventures que nous garderons en mémoire à jamais ! Bon voyage à ceux qui continuent leur périple, et bonne continuation à ceux qui sont déjà rentrés ou nous ont accueilli chez eux !





A tous : merci et à très vite !


Fanny & Romain

jeudi 16 février 2012

Sucre, lasagnes et camion en rade ...

Aprés avoir sué dans les galeries minières de Potosi, nous voilà désormais partis vers la dernière (déjà !) grosse étape de notre voyage, l'autre ville coloniale majeure du pays : Sucre.

Ce qui frappe de suite, ce sont les paradoxes, nombreux, qui illustrent ces deux villes. Aux petites maisons colorées de Potosi s'opposent les grandes bâtisses blanches de Sucre ; Potosi, ville des mineurs et de la pauvreté urbaine respirait une certaine frénésie de vivre là où Sucre affiche aux côtés de ses grandes richesses architecturales une pauvreté déconcertante. Mais cela peut s'expliquer aussi par le fait que Sucre, deuxième ville du pays, est la "seconde" capitale de Bolivie ...
Une petite visite de la Casa de la Libertad (le musée sur l'histoire de l'indépendance du pays) aura en effet permis à Fanny (Romain étant -de nouveau- malade aura passé l'essentiel de la visite à tenter de ne pas dégobiller ou à chercher les toilettes du musée avant de se faire dessus !) d'en apprendre en peu plus sur ce qu'on appelait autrefois le Haut-Pérou ... Car dans la foulée de la découverte des Amériques et de la colonisation espagnole du Sud du continent (à l'exception du Brésil attribué aux Portugais par le Traité de Tordesillas), le large territoire qui s'étend de l'actuel Venezuela au Cap Horn fut, jusqu'a sa frontière naturelle de la forêt amazonienne, divisé en quatre vastes territoires, appelés vice-royaumes. La Bolivie faisait partie du Vice-Royaume du Pérou et son territoire actuel sur l'Altiplano délimitait à peu de choses prés la région appelée Haut-Pérou. C'est d'ailleurs sous ce nom que le pays proclama, à Sucre, son indépendance en 1825, avant d'être baptisé Bolivie, en hommage à Simon Bolivar, grand artisan des indépendances sud-américaines.

Une rue de Sucre et ses maisons coloniales toutes de blamc vêtues
Afin de ne pas vexer son fidèle second, le Mariscal Sucre, la première capitale, alors appelée La Plata (qui veut dire "l'argent"), fut rebaptisée elle aussi en hommage à l'un des grands héros de l'indépendance des Etats sud-américains et prit ainsi le nom actuel de Sucre ! Après, pourquoi les institutions ont été transférées à La Paz, actuelle et nouvelle capitale de la Bolivie, on n'a pas trop bien compris et on s'en souvient plus trop. Mais bon, vous n'avez qu'à jeter un oeil sur Internet pour trouver la réponse !

Mais si elle n'est aujourd'hui plus la capitale de la Bolivie, Sucre demeure la capitale culturelle et un foyer ardent de contestation du pays. La musique est partout, tout le monde en joue, il y a ici plus de marchands de journaux dans une rue que dans tout Potosi et la ville est dotée de l'une des universités les plus réputées du continent !

C'est donc dans cette ville (et ses alentours) que nous faisons halte, afin, d'une certaine manière, de boucler la boucle commencée il y a prés de 4 mois ! Car rappelez-vous, notre toute première visite fut la Casa Sucre, ancienne demeure coloniale du Mariscal, à Quito ...

Gigi et Andrea nous font de la cuisine italienne !
Pour découvrir Sucre, nous ne sommes pas seuls, car nous sommes toujours accompagnés de Nico (à présent, cela fait presque un mois que nous voyageons ensemble !), d'Andrea et de Luigi, alias Gigi (l'Amoroso !). Nous nous installons tous les cinq dans un hotel (le Pachamama) très sympa, avec jardin, terrasse... Peut-être un peu trop de Français en mode baba-cool pour Romain (qui sortira gueuler de nuit pour avoir le silence !). Et en bonne gourmande que je suis, l'hotel est aussi doté d'une cuisine ! Or, après quelques supplications, Gigi a accepté de nous faire des pâtes italiennes ! Nous avons donc passé deux matinées à cuisiner, avec Gigi aux commandes : courses sur le marché de Sucre, épluchage des légumes, cuisson de la sauce... Bref des pâtes bolognaises faites en  plusieurs heures, avec beaucoup de rires et quelques bouteilles de vin débouchées (il faut en mettre dans la sauce vous comprenez ...), et la curiosité de tous les résidents de l'hotel, y compris des gérantes, qui ont goûté et apprécié le "ragout" de Gigi. Moi non plus, je n'en ai pas perdu une miette, et je suis à présent capable de cuisiner italien, et même de le parler ! Enfin nos discussions sont plus un mélange d'espagnol, d'italien et de français qu'autre chose ! Mais du moment que l'on se comprend ...

Le lendemain, appréciant sa nouvelle notoriété de grand cuisinier, Gigi a relancé ses fourneaux pour cette fois faire des lasagnes pour tout l'hôtel ! Normalement, les hôtes n'ont pas le droit d'utiliser le four, mais pour Gigi, la dame de l'hotel fait une exception ! Il faut dire qu'il est devenu la star de l'hotel, et puis, pour goûter à la lasagne, elle veut bien faire une petite exception ...Et voilà donc deux plats immenses de lasagne distribués à qui en veut ! Délicieux, même si selon moi elles n'égalent pas les lasagnes de Pierrot ... Puis faut dire que la nuit suivante, j'ai été malade comme jamais (non, non, ce n'est pas Romain qui écrit ...) ! Peut-être que la viande hachée achetée sur le marché n'était pas des plus fraîches ...

La bonne sauce bolognaise est prête à être dévorée !
Tout le monde adhère ! Y compris les autres routards de l'hotel venus
squatter une assiette (comme cette Italienne en bas à droite)
Fanny prend le soleil sur la Plaza
25 de Mayo
Fanny visiblement contente de scruter la ville depuis les toits de l'église
Saint-quelque chose (on retient pas tout non plus, hein !)
Romain fait évidemment pareil ...
Les après-midis, après nos dîners italiens, nous les passons à parcourir la ville tous ensemble ... La ville est agréable, le soleil alterne avec la pluie, l'air est doux ...

Une dernière photo avec nos compagnons-de-route.
Deux jours passés, et il est déjà l'heure de nous séparer. Nico part pour Santa-Cruz et le Brésil et Andrea et Gigi partent pour Cochabamba et La Paz. Nous ne sommes pas tristes, car les rendez-vous sont déjà priogrammés pour cet été et puis Nath et Thom arrivent déja le lendemain.

Dimanche, jour du marché de Tarabuco. Retrouvailles avec Thom et Nath, petits déjeuner vite fait et nous partons tous les quatre vers le marché, en compagnie de deux Français (on est donc six) déjà revus plusieurs fois pendant le voyage. Il s'agit de Frédéric et Virginie, croisés à La Paz, avant cela Copacabana et plus tôt encore à Huaraz (rappelez-vous : les naturopathes !). Le village de Tarabuco est très joli, mais pas autant que le travail de tissage réalisé par les gens du coin (qui rivalisent avec l'autre grande culture de tissage locale : jalq'a) et on est également impressionné par les costumes traditionnels, en particuliers ceux des hommes ! Dommage que l'on ait pas de photos à vous montrer, l'appareil photo étant resté à l'hotel ... Par contre, nous pourrons vous faire découvrir en rentrant les tissages du musée des arts indigènes, visité le lendemain ...

Après quelques jours passés à flâner dans la ville, nous décidons de partir avec Thom et Nath en trek pour découvrir le cratère de Maragua. Vu les conditions climatiques et les conseils de plusieurs voyageurs, nous décidons cette fois de prendre un guide pour realiser l'expédition de deux jours. Nous partons avec deux guides-étudiants de Sucre, Pablo et Celia, et deux nouveaux compagnons de route français, Eric et Camille. L'aventure commence ...

Sympas, les voyages en camion !!
Pour nous rendre au début du trek, nous devons d'abord emprunter une piste où seuls les camions passent ... Vous avez compris la suite : nous voici embarqués comme du bétail dans un vieux camion de transport de bestiaux, sans les bestiaux, mais avec une kyrielle de gens du campo (= de la campagne) ! Vu la qualité de la route, le voyage est terriblement sautillant et fatiguant ! 1 heure et demi plus tard, nous arrivons (quasi) au lieu de départ du trek (en fait, nous descendons à dix minutes de là, car le camion, trop lourd pour passer les flaques de boue, demandent à ses "passagers" de descendre et ... pousser !).

Et très tôt, la pluie refait son apparition. Plusieurs chemins que nous devons emprunter se sont effondrés à cause des fortes pluies des derniers jours. Nous voilà obligés de grimper sur les roches, jouer les équilibristes en bordure de précipice, ou encore de parcourir la pampa sans trop d'idée de vers où aller ... Néanmoins, les paysages sont, une nouvelle fois, superbes ! La spécificité de cette région réside dans les nombreuses couleurs de roches : du rouge bordeau au vert bouteille en passant par le jaune ocre et le bleu "jean's", on en prend plein les yeux !

Autre chose marquante, la géologie de cette région ! Pour des géologues (ou assimilés) que sont Nathalie, Fanny et Thomas, le paysage est fascinant ! Pour Romain aussi, notez ! Car s'il ne comprend pas ce que sont ces couches sédimetaires bizarres ou ce qui semble être des plateaux effondrés, nos géologues ne trouvent pas plus d'explications !

Deux géologues en extase devant tant de bizareries !

On y découvre aussi du quartz, de l'obsidienne ainsi que quelques calcaires. La pluie a entre temps cessé mais on n'est pas au sec pour autant ! Car les pluies torentielles des derniers jours ont crées (ou nourris) des rios qui barrent à plusieurs reprises notre chemin ! Saut, équilibre, il faut plus d'une technique afin de braver les cinq ou six rios, parfois impressionnants ... Romain n'échappe pas à la grooosse flaque de boue (où il s'enfonce par mégarde jusqu'au mollet !) tandis que Fanny et Nath manquent par deux fois de tomber à l'eau ! Thomas, lui, se contente de boire l'eau qui sort directement de la roche !

Fanny bat son record du saut en longueur
en marchant sur l'eau ...
Retour aux sources (haha !) pour Thom ...
Finalement, nous arrivons à la tombée de la nuit dans ce fameux cratère aux versants plutôt originaux. Car si le cratère n'est pas à proprement parlé profond, les roches qui l'entourent offrent à la vue de curieux cercles, là aussi, inexpliqués ...

De gauche à droite : Celia, Nath, Thom, Pablo, Eric, Camille et Fanny
C'est donc plein de questions que nous prenons le chemin d'un lit presque douillet quoique rustique au beau milieu du cratère ... Le lendemain, il n'est pas question de traîner ! Car un seul camion passe par la piste située à trois heures de marche ! Heureusement, nous arrivons bien à temps après une marche effrénée au milieu de paysages à nouveau somptueux (on passe même tout près du Cerro Obispo ! Aussi chauve que le "chanteur" du même nom !) ... Mais contrairement à ce que nous pensons, notre journée est loin d'être finie pour autant ...

Après deux heures de voyage aussi incommodant que lors de l'aller (entre un petit vieux-sans-dents qui se pisse à moitié dessus et une grosse mamita assise sur nos pieds, Fanny s'en souviendra, ses jambes étant depuis couvertes d'hematomes !), nous sommes obligés de changer de camion. En effet, un large rio empêche tout passage et un autre camion assure ainsi la liaison jusque Sucre (situé à un peu moins d'une heure de piste du rio). Et comme on est archi-bourrés/serrés dans ces camions, ne v'là-t'y pas que les mamitas nous poussent littéralement pour pouvoir sortir du camion en premières et commencent à courir à travers les buissons et sur le pont surplombant le rio afin d'avoir une place de choix dans le suivant ! Et ce n'est pas leur sac à patate de plusieurs kilos qui les ralentissent ! Et les petits vieux suivent, tout sourire aux lèvres, contrastant fortement avec la réalité humaine que vivent ces gens, obligés de courir chaque jour afin d'avoir une place dans LE camion qui part à Sucre, là où ils pourront vendre leurs quelques pêches ou faire la manche deux jours ou trois avant de rapporter le fruit de leur collecte au village ...

Et pourtant ... cela n'aura servi à rien ! Après 1 minute, le moteur du camion pète ! Nous voici à 1 heure de route en camion de Sucre... sans camion ! Et donc à trois heures de marche de la ville, et un fameux dénivelé à devoir escalader puis descendre ! Mais bon, nous faisons contre mauvaise fortune bon coeur et après deux heures de marche, nous rejoignons les faubourgs de Sucre et leurs lignes de bus ! Le voyage se termine donc dans la bonne humeur, sous un soleil éclatant, avec une fameuse histoire à raconter ...

Quels nuages, n'est-ce pas !
On déplore toutefois un mort : l'iPod de Romain, qui n'aura visiblement pas résister à l'humidité du premier jour  (il était pourtant dans une poche de sac, recouvert par une toile étanche !) ... Si vous avez envie de lui faire un cadeau ...

Le rouge du soleil dans le visage, Romain semble déjà savoir que son iPod
a rendu l'âme ...
Désormais, nous voici rentrés sur Sucre. Thom et Nath filent vers Cochabamba mais nous retrouverons dimanche à La Paz ! Car c'est bien vers la capitale que nous rentrons ce soir (enfin, de nuit), afin de préparer tout doucement notre retour en Belgique ...

Fanny et Romain



samedi 11 février 2012

Dans l'enfer de Potosi

Située à 4.070 mètres d'altitude, la Villa Imperial comme on la surnomme ici est la ville de plus de cent mille habitants la plus haute du monde ! Potosi, c'est son nom, est aussi et surtout connue pour son activité minière qui, depuis l'époque coloniale a fait la notoriété de la ville.


Lorsque les Espagnols posèrent le pied sur les côtes de ce qui allait devenir le continent sud-américain, leur ambition était certe de coloniser ces nouvelles terres, mais surtout de mettre la main sur les richesses légendaires de ces terres qu'ils croyaient comme les Indes. S'ils n'ont jamais mis la main sur le mythique El Dorado ni trouver le trésor caché des Incas, ils ne passèrent pas à côté du Cerro Rico, imposant sommet qui culmine à près de 4.500 mètres et qui renferme une quantité impressionnante de minerais : argent, plomb, cuivre notamment.

Le Cerro Rico, aux portes de la ville
Tandis que les Espagnols s'enrichirent considérablement grâce à ces mines, considérées parfois comme la huitième merveille du monde, les Quechuas et Aymaras locaux (hommes, femmes, enfants), devenus Boliviens au début du XIX° siècle, furent réduits au rôle d'esclaves, arpentant les dizaines de galeries creusées dans la roche.

Un lingot d'argent provenant d'une caravelle espagnole,
marqué comme provenant de Potosi, visible à la Casa de
la Moneda, transformée en musée de la ville.
De cette période, la ville de Potosi a gardé son style architectural et le centre-ville se retrouve ainsi truffé de bâtisses coloniales aux couleurs chatoyantes qui nous rappellent le quartier colonial de La Paz ou encore la ville péruvienne d'Arequipa.




De petites rues aux accents médiévaux, des balcons mis à toutes les sauces, Potosi respire l'architecture coloniale comme on ne peut que l'apprécier !



C'est aussi dans cette séduisante ville perchée sur l'Altiplano que nous retrouvons Elena et Marion, deux Françaises croisées une semaine plus tôt à La Paz. L'occasion de casser la graine ensemble et de vider quelques bouteilles de bière. Il faut dire que depuis que nous faisons la route avec Luigi et Andrea, on a décuplé notre consommation de bière ! A présent, la Pacena, la Huari ou la Potosina n'ont plus de secrets pour nous !


Avec le jeu du capitalisme, les mines d'argent qui avaient fait la renommée de la ville (et la richesse des conquistadores) furent peu à peu vendues par les Espagnols à de grandes multinationales actives dans le secteur minier. Mais en 1952, le gouvernement bolivien décide de nationaliser l'ensemble des mines ! Et donc de bouter hors du territoire national les grandes entreprises qui jusque là avaient développé les mines.

La nationalisation des mines a eu lieu en 1952
Comme vous pouvez l'imaginer, le développement des mines et de leur infrastructure n'a pratiquement plus bougé depuis ... N'ayant pas vraiment les moyens de développer les mines, le gouvernement bolivien a en effet revendu les galeries sous forme de concessions aux mineurs, qui se sont organisés en coopératives. Aujourd'hui, ce sont donc de nombreuses coopératives (et parfois des mineurs solitaires qui ont acheté une petite concession) qui parcourent et creusent l'antre du Cerro Rico... sans pour autant se coordonner de la meilleure des façons ! Le risque d'éboulement est paraît-il assez grand !

Quoiqu'il en soit, les mineurs de Potosi continuent de creuser et récolter les minerais, dans des conditions dantesques ! 8 heures de travail par jour pour un salaire quotidien avoisinant les 100 BS (soit 10€), un salaire "correct" pour un Bolivien mais qui ne tient pas compte des risques encourus et des conditions de travail qui sont aujourd'hui, en 2012 donc, semblables à ce qu'ont connu les mineurs italiens ou turcs dans les charbonnages wallons dans les années cinquante !

Juste deux rails qui s'enfoncent dans le noir-obscure du Cerro Rico.
Croyez-le ou non, mais cette galerie est l'un des principaux axes de la
mine que nous avons visitée ! 
Outre les odeurs de soufre et de silice (les mineurs sont notamment victimes de la silicose à cause des fines particules de silices qu'ils respirent) qui rendent la respiration difficile, la température monte jusqu'à 40 degrés dans les coins les plus chauds ! Il faut dire que la technique employée par les mineurs pour creuser est la... dynamite ! Celle-ci explose à 2.000° ! Et ce ne sont pas les quelques galeries mises en commun et formant ainsi un léger courant d'air qui rendent l'atmosphère plus vivable ...

Vous vous en doutez, en tant qu'ingénieur en mines et géologie, Fanny ne pouvait passer à côté de pareille expérience ! D'autant que Romain était assez excité à l'idée de "vivre l'une des plus éprouvantes mais formidables expériences que l'on peut faire sur le continent" (dixit les guides).

Nous voici ainsi partis, accompagnés de nos amis NicoAndrea et Luigi, déguisés en mineurs, vers le Cerro Rico, guidé par Rolando, alias Fox, ancien mineur devenu guide touristique.
Romain prêt à affronter les odeurs de soufre !
Fanny se dit qu'elle s'habillerait bien comme cela toute l'année !
"Fox" nous explique quels minéraux nous allons voir 
Fanny se montre particulièrement intéressée par les explications données
par "Fox"
Fox nous emmène d'abord voir le "marché des mineurs". C'est l'occasion d'en apprendre un peu plus sur le matériel utilisé par ces chercheurs d'argent ; l'occasion donc de prendre dans les mains un bâton de dynamite (en vente libre et légale en Bolivie), ou encore de goûter l'alcool à 96° qu'ingurgitent les mineurs avant de s'engouffrer dans la montagne !

Nico ne semble pas rassuré par le bâton de dynamite qu'il tient en main !
L'occasion aussi d'acheter quelques cadeaux pour les mineurs puisque la mine que l'on va visiter n'est pas un musée, mais bien une mine en activité, avec donc les mineurs qui travaillent !! L'organisation de visite (en petits groupes de touristes) est ainsi tolérées par les mineurs "à condition de leur apporter des cadeaux" ! Quels cadeaux ? Dynamite, alcool, mais aussi jus de fruit et eau minérale pour se rafraîchir, et surtout feuilles de coca !

Un mineur (à gauche) s'offre trois minutes de pause pour mâcher des feuilles de coca
Car la coca, les mineurs en mâchent dans des quantités astronomiques ! Il faut dire que les vertus de la plante de coca sont particulièrement appréciées des mineurs (valeur nutritive, anti-fatigue). Ils en font ainsi la seule nourriture de leur journée passée dans la mine ! Car après un petit déjeuner copieux, ils s'engouffrent dans la mine pour n'en ressortir que huit heures plus tard.


De gauche à droite : Fanny, Romain, Andrea, Luigi, Nico, "Fox".
Nous sommes prêts à entrer dans la mine. Mais contrairement aux mineurs,
ce n'est pas huit mais environs deux heures que nous resterons sous terre...
Dès le début de la visite, nous sommes ainsi marqués par trois choses : le côté étroit des galeries faites de bric et de broc, l'odeur forte qui émanent de la roche, les faciès marqués et déformés (par la boule de coca notamment) des mineurs.

Fanny se faufile dans les galeries exigues de la mine
Des galeries dignes des charbonnages des années cinquante en Belgique !
Des murs couverts de soufre, de cuivre et même paraît-il d'amiante !
L'avancée dans les galeries est difficile et doit se faire avec précaution : les wagonnets (qui fonctionnent sur batteries au niveau 0 ou poussés par deux mineurs et tirés par un autre aux niveaux inférieurs) roulent, les couloirs sont bas, il faut parfois ramper, escalader, et encore, on a de la chance : aucune explosion à la dynamite n'est prévue durant notre visite !

Fanny s'aprête à descendre au niveau -1 et à descendre les 55 mètres de dénivelé
Les wagonnets prennent juste un peu moins de place que la largeur des tunnels !
De quoi faire attention quand on en croise un !
Dans les galeries à peine éclairées, nous croisons quelques mineurs de tous âges. Fox nous explique que si l'âge légal pour travailler dans les coopératives de mineurs est de 18 ans, il est fréquent de croiser des adolescents de 12, 13 ans ou plus ! Ceux-ci sont n'ont pas d'autres alternatives pour aider à faire vivre leur famille ! Les coopératives prennent ainsi un gros risque en faisant travailler des jeunes illégalement. Mais un risque à peu près calculé : les travailleurs illégaux gagnent dix fois moins que leurs aînés !

Nous croisons aussi des mineurs d'âge mur, ainsi qu'un vieil homme de soixante ans ! Il officie un peu comme chef d'équipe. Il faut dire que dans les coopératives, il n'y a pas d'autorité, si ce n'est que l'expérience offre une paye parfois un peu plus avantageuse. Il s'agit plus de syndicats qui organisent entre eux les conditions de travail (horaires, montants de la paye, ...).
Andrea pose à côté du vétéran de l'équipe de mineurs
que nous croisons au coeur de la mine
A plus de 35 degrés, les mineurs déchargent à la main et à la pelle le
contenu des wagonnets qui arrivent du point d'extraction
Les accidents sont nombreux (5 à 10 accidents mortels par an).
Regardez attentivement la cicatrice impressionante de ce
mineur (sous son homoplate droite) ...
On remarque au passage la boule de coca qu'il mâche.
Un boulot harrassant avec pour seul matériel un casque et une loupiotte
Romain a donné quelques coups de pelle lui aussi ! 
Une expérience marquante, donc, dans un tout autre registre que les paysages du Sud-Lipez ou d'Uyuni qui font de la Bolivie un pays aussi passionnant que l'Equateur ou le Pérou à parcourir, à vivre.




Pour être complets sur le travail de la mine à Potosi, il faut savoir qu'il existe également 33 entreprises de traitement de minerais à Potosi. Celle-ci possèdent à elles toutes le monopole du traitement de minerais extraits du Cerro Rico. Chose aberrante quand on voit les installations de certaines !


Comme le soulève Fanny, "c'est fou de voir que chacune tente de survivre ou vivoter alors qu'ensemble elles pourraient concurrencer de grandes entreprises multinationales" ! Car il existe malgré tout quelques entreprises (américaines ou canadiennes notamment) qui ont pu ces dernières années mettre la main sur certaines concessions. Mais cela ne durera pas longtemps. En effet, Fox nous annonce que selon les dernières prévisions, l'essentiel des ressources minérales seront épuisées d'ici dix ans ! Chose qui soulève une autre question : que vont devenir tous ces mineurs et cette ville qui vit essentiellement de l'activité minière ? Aux dires de Fox, les négociations et plans provinciaux sont (très) loins d'aboutir. Chose qui ne rassure pas les mineurs. Et qui, dorénavant, ne nous rassure pas non plus. Comme le dit Andrea, "nous n'avons passé que deux heures dans la mine, mais cela fut éprouvant, difficile et on n'ose imaginer possible de rester dans cette fournaise huit heures durant".


Car c'est bien cela qui nous restera comme image : ces conditions dantesque que l'on ose imaginer depuis notre Europe modernisée à l'extrême. Des images qui nous rappellent des cartes postales du Bois du Casier ou des mines de Blégny quand celles-ci n'existaient qu'en noir et blanc ! Des images qui font froid dans le dos et qui marquent à jamais celles ou ceux qui les vivent. Et, à nouveau, comme disait Andrea, "nous n'avons pourtant vécu cette incroyable expérience que deux heures durant" ...

Se soulèvent également les questions de santé humaine et d'environnement. Les mineurs ne bénificient d'une assurance santé que s'ils ont cotisé pendant leur vie de travail; et pour ceux qui ont cotisé, c'est souvent leur famille qui voit la couleur de cet argent, eux ayant souvent succombé aux maladies associées aux conditions de travail dans la mine. Au niveau de l'environnement, notre guide nous affirme que les eaux chargées de cyanures sont stockées dans un endroit sûr mais Fanny en doute! Transporter toutes les eaux contaminées des différentes usines detraitement paraît peu réaliste...

Romain